mardi 16 décembre 2008

« Rencontre de l'harmonie et de l'invention »

En cette période d'avent où Noël commence à poindre son nez et où l'hiver approche à grand pas, il serait de bon ton et d'actualité de parler de la saison des neiges. Pourtant, je préférerais (tenter d') apporter une éclaircie dans ce ciel bien menaçant en me consacrant au printemps des célébrissimes quatre saisons de Vivaldi (1678-1741).

Publiés à Amsterdam en 1724, ces concertos sont les quatre premiers opus du recueil au titre très poétique de « Il cimento dell'armonia e dell'invenzione » (« Rencontre de l'harmonie et de l'invention »). Poésie justement car ces concertos sont inspirés de sonnets attribués à Vivaldi. Chacun évoque une saison, la partition associant explicitement divers épisodes musicaux à certains vers. Voici le texte accompagnant la partition du concerto
« Le printemps est venu, apportant gaieté,
Les oiseaux le saluent de leurs chants exaltés
Et les ruisseaux, caresses par le souffle de zéphyr,
Coulent en même temps avec de doux murmures.
Les cieux se sont voilés de nuages obscurs
Que les éclairs et le tonnerre ont annoncés.
Mais quand se refait le silence, les oiselets
Reviennent à nouveau remplir l'air de leurs chants.
Alors la prairie ondulante, tout en fleurs,
Murmure de toutes ses feuilles frissonnantes.
Le chevrier sommeille, près de son chien fidèle.
L' âme ivre du son des musettes pastorales,
Nymphes et bergers dansent dans la clairière
Pour la radieuse entrée en scène du printemps. »

Maître incontesté du concerto (il en a composé 450 .....450 fois le même, disent les mauvaises langues), Antonio Vivaldi a contribué à en fixer sa forme. La préoccupation du compositeur vénitien n'est pourtant pas uniquement formelle puisqu'il accorde aussi une importance nouvelle au son, au timbre des cordes en l'occurrence. Dans le Printemps, qui chante l'éclosion fleurie de la nature, la volonté expressive se manifeste par l'ornementation de la ligne mélodique.
Comme le suggèrent ces quelques vers, le printemps est avant tout la saison des contrastes. La douceur de zéphyr côtoie la menace de l'orage. C'est la musique elle-même qui est ondulante, pleine de rebonds même si l'arrivée du printemps est synonyme de gaieté et de renouveau. Comme l'écrit le musicologue Gérard Denizeau,
« le compositeur met l'accent sur la dynamique du rythme et les contrastes de masses sonores, tout en usant de basses simples et répétées ».
Fidèle au dernier vers du sonnet, le premier mouvement (allegro) de ces quatre concertos, est théâtral. Il s'agit bien d'une « entrée en scène » du printemps, à proprement parler, incarnée par un tutti (moment où tous les instruments de l'orchestre jouent) : tous accompagnent le violon dans ce retour à la vie, signant ainsi la sortie de l'hiver. Jugez vous-mêmes au rythme de ce concerto célèbre...en attendant les beaux jours ! Joyeuses fêtes à tous !


Découvrez Antonio Vivaldi!


Source : Guide de la musique , Une initiation par les œuvres, Gerard Denizeau, Guide, 2005

vendredi 14 novembre 2008

Le cerveau de Mozart, Bernard Lechevalier



Le point de départ de ce livre au titre étonnant est connu : le 11 avril 1770, Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) âgé de quatorze ans, assiste à la Chapelle Sixtine de Rome, à la représentation du Miserere d'Allegri dont la partition est tenue secrète. De retour chez lui, il en retranscrit, de mémoire, l'intégralité. C'est sur cet exploit, relaté par Léopold, le père Mozart, dans sa correspondance, que Bernard Lechavalier se penche.
Comment est-il possible de mémoriser une telle pièce ? Que se passe-t-il dans la tête de celui qui écrit, de celui qui écoute ? Peut-on expliquer le génie de Mozart ?
S'agit-il du énième livre sur le compositeur de génie, dont l'anniversaire de la naissance a été célébré en grande pompe en 2006 ? Non car l'originalité de cet opuscule tient à son auteur : Bernard Lechavalier n'est pas musicologue mais professeur de neurologie. Son objectif est « non pas de faire une nouvelle biographie de Mozart, mais plutôt de retenir quelques aspects de son histoire, de sa riche personnalité et surtout de l'expression de son génie, pour tenter d'analyser les explications que peut nous apporter la neuropsychologie de la musique ».

Repartant de l'analyse des phénomènes de mémorisation, il s'interroge sur ce qui fait la spécificité de la mémoire musicale. Celle-ci est-elle assimilable aux autres types de mémoires ? Quels sont les mécanismes qui entrent en jeu lorsque l'on écoute de la musique ? A partir de questions aussi basiques, l'auteur mobilise ses connaissances, qui le sont nettement moins, afin d'éclairer le génie de Wolfgang Amadeus d'un coup de projecteur qui a le mérite de sortir quelque peu des sentiers battus.

L'auteur explique la spécificité du cerveau mozartien, par comparaison avec les phénomènes classiques de mémorisation. L'intelligence musicale (qu'il définit comme l'ensemble des capacités cognitives mises en jeu dans l'art musical pour pouvoir mener à bien une démarche musicale) semble être tombée sur Mozart comme Obelix est tombé dans la marmite de potion magique. Celui-ci composait avec une facilité déconcertante :
" Je continue parce que la composition me fatigue moins que le repos"
écrit-il en 1787. Pourtant, sans nier les capacités hors du commun du compositeur (justesse absolue d'oreille et mémoire prodigieuse), l'auteur montre également que celle-ci est le résultat d'un apprentissage qui a commencé dès l'enfance. Son père, Léopold, sévère mais excellent pédagogue musical, a commencé l'instruction de son fils au berceau.
Mozart est un exemple emblématique :
« s'il fut sans doute le musicien le plus doué, il fut également le plus entouré, le plus choyé, le mieux éduqué dans son art ».
Il ne vous aura pas échappé que ce livre est un peu ardu et sacrément technique. Si je dois reconnaître ne pas avoir saisi (ni cherché à comprendre !) tous les détails de la démonstration menée par l'auteur, j'y ai vu un ouvrage stimulant, écrit sous la forme d'un essai, qui a l'avantage prendre le contrepied des biographies "traditionnelles".

Kyrie, tiré du requiem de Mozart



dimanche 9 novembre 2008

"Debout peuple de Russie !", Alexandre Nevski


En pleine période stalinienne et de mobilisation des artistes au service d'un art résolument idéologique, le compositeur Serge Prokofiev (photo) et le cinéaste Sergueï Eisenstein font équipe pour donner une deuxième jeunesse à Alexandre Nevski.

L'intrigue du film Alexandre Nevski, sorti en 1938, reprend un événement phare de l'histoire russe au XIIIe siècle : l'opposition du prince Alexandre Nevski à l'invasion des chevaliers teutoniques. En ces temps de montée des périls, l'ennemi teuton a pris un nouveau visage, qui se cache derrière un drapeau à la croix gammée. L'heure est donc à la mobilisation des esprits derrière la nation « soviétique ». La lutte vaillamment menée et la victoire obtenue brillamment par le jeune prince contre les Teutons vont prendre valeur d'idéal patriotique. L'idée est donc bien de frapper les esprits, ce à quoi s'emploie le compositeur, revenu en Union Soviétique en décembre 1932, après avoir vadrouillé entre l'Europe et les États Unis depuis 1918.

Ayant d'abord pensé utiliser une "authentique" musique du XIIIe siècle, Prokofiev se rétracte au profit d'une composition parlant davantage à l'imaginaire de ses contemporains. Pari réussi puisque la puissance évocatrice de la musique de Prokofiev permet à l'auditeur qui ne connaîtrait pas le film de ressentir, à l'écoute de la cantate, une charge émotionnelle aussi intense que celle qui renaît au souvenir de l'œuvre d'Eisenstein.

La scène illustrée par ce "Debout peuple de Russie" est celle de la préparation à la bataille du lac, bataille dont sort victorieux Alexandre. La musique composée par Prokofiev est à la hauteur de l'héroïsme des "patriotes" , menés d'une main de maître par Alexandre Nevski. A propos du caractère cinématographique de l'écriture, Eisenstein écrit :
« Sa musique est étonnamment plastique, elle n'est jamais une illustration ; elle montre d'une façon étonnante la marche des événements, leur structure dynamique dans laquelle se concrétise l'émotion. »
Alors que se tient cette semaine la 9ème édition du Festival Musique et Cinéma dans l’Yonne, je tenais à revenir sur un classique parmi les classiques.....sur une partition gigantesque d'un compositeur qui a eu la malchance de mourir dans l'indifférence générale, le 5 mars 1953, le même jour qu'un certain.....Staline !

Illustration à la minute 3



Découvrez Prokofiev Edition!

vendredi 7 novembre 2008

« Il y a beaucoup à faire sur cette terre, hâte-toi» Ludwig van Beethoven

Contrairement à ce que le titre de ce recueil de notes pourrait laisser entendre, ces Carnets intimes ne sont pas une somme de secrets d'alcôves...bien heureusement d'ailleurs !


Ce qui frappe d'abord à la lecture, c'est le caractère abrupt voire inélégant de ces courtes notes.
Allant de formules lapidaires, qui n'ont que peu de sens sorties de leur contexte, à des pensées plus profondes, elles permettent de retrouver, si ce n'est le musicien, du moins l'homme de la Pastorale. Si c'est d'abord à lui-même que Beethoven s'adresse, il n'en demeure pas moins que le lecteur a dans les mains un document particulièrement riche.

Ce que Beethoven (1770-1827) exprime dans ces quelques pages est un véritable culte de l'action. Celle-ci semble le remède à tous les maux. Comme un artisan besogneux à sa tache, le compositeur se montre résigné.
« Résignation, résignation, profonde à ton sort ! Seule, elle te permettra d'accepter les sacrifices que demande le 'service' ».
« Pour chasser la pensée du mal qui t'afflige, tu ne saurais trouver moyen meilleur que l'occupation. »
Ceci est d'autant plus vrai que l'ardeur au travail doit être recherchée pour elle-même. Travailler à son chevet apparaît comme un sacerdoce, un sacrifice, une véritable vocation.
" Le but de ton effort doit être l'action et non ce qu'elle donnera. Ne sois pas de ceux qui, pour agir, ont besoin de ce stimulant : l'espoir de la récompense. »
Si certains passages semblent dévoiler un Beethoven bon soldat, travaillant d'arrache-pied à sa partition comme un artisan à son œuvre, ces pages ne sont pas celles d'un monstre froid. C'est ici un homme seul qui s'exprime, désemparé face à sa surdité.
« Ah ! Comment avouer la faiblesse d'un sens, qui, chez moi, devrait être infiniment plus développé que chez les autres (...) ».
Dans son Testament, daté de 1802, Beethoven revient sur un comportement que certains de ses contemporains ont pu interpréter comme de la froideur :
« Il me faut vivre en proscrit. Si je m'approche d'une société, aussitôt je me sens pris d'une angoisse terrible dans la crainte où je suis d'être exposé au danger qu'on remarque mon état. »
Pourtant, on aurait tord de croire que le compositeur se morfond dans une solitude pathétique....
Seul et retiré , il semble tout à fait lucide sur son talent et conscient de ne pas être un homme ordinaire. Dans son Testament, c'est au lecteur lui-même qu'il s'adresse, dans une parole à caractère prophétique :
« Oh vous, qui lirez un jour ceci, pensez que vous avez été injustes pour moi; et que le malheureux comme lui, qui, en dépit de tous les obstacles de la nature s'est toujours efforcé d'être admis au rang des artistes et des hommes d'élite ! »
Enfin et surtout, et c'est ceci qui rend le message de Beethoven particulièrement riche, c'est l'urgence, la volonté de ne pas perdre de temps qui transparaissent : le passage sur terre peut s'avérer de courte durée.
« Il y a beaucoup à faire sur cette terre, hâte-toi. »
Si le compositeur s'adressait d'abord à lui-même, c'est à chacun d'entre nous que cet avertissement semble destiné !



samedi 1 novembre 2008

Staatskapelle Berlin - Boulez Dorothea Röschmann

Pierre Boulez, qui a récemment achevé l’enregistrement de toutes les symphonies de Mahler, dirigera la Staatskapelle Berlin dans un programme entièrement dédié au compositeur autrichien.
Comme nous le rappelle le dossier du Monde de la Musique du mois de novembre au titre évocateur ("La mode Mahler"), Mahler est à l'honneur cette année. Après un demi-siècle de purgatoire, il est devenu la coqueluche du public et des orchestres. Cette saison, c’est le raz-de-marée. Parallèlement à la programmation de la salle Pleyel, le chef de l'Orchestre de Paris, Christoph Eschenbach, a donné mercredi 22 octobre le coup d'envoi d'un nouveau cycle consacré au compositeur.


Le lundi 03 novembre 2008 à 20 heures.

Invitation au voyage

« L'art est fait pour exprimer la beauté et le caractère. La sensibilité vient après et l'art peut parfaitement s'en passer ; c'est même tant mieux pour lui quand il s'en passe. » Camille Saint-Saëns
Si Camille Saint-Saëns (1835-1921), compositeur, organiste virtuose est considéré par ses contemporains comme le musicien le plus « intelligent » de France dans la seconde moitié du XIXème siècle, son œuvre a cependant souvent été taxée de brillante mais froide. Aussi précoce que Mozart (le jeune Camille aurait composé pour la première fois peu après son troisième anniversaire), il fut le maître d'œuvre d'une musique claire, élégante, parfaitement proportionnée et d'une technique toujours impeccable. Virtuose génial, l'organiste serait-il dénué de sensibilité ?

Il suffit d'écouter le cinquième concerto pour piano, dit « égyptien » pour se défaire de cette idée....
Dans ce concerto, le compositeur convalescent a, de toute évidence, succombé aux charmes des contrées lointaines. Ce concerto sonne comme une véritable invitation au voyage, peignant un tableau qui n'est pas sans rappeler l'invitation poétique de Charles Baudelaire.
« Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale. »

Contraint par son état de santé vacillant de quitter régulièrement Paris, Camille Saint-Saëns prend le chemin de l'Afrique du Nord. Le concerto « égyptien » a en effet été écrit lors d'une des fréquentes villégiatures hivernales que le compositeur faisait en Égypte pour échapper aux brumes de Paris. Le pays des pharaons semble être un de ses lieux de prédilection, propice à quelques partitions fameuses, ce qui n'est pas pour déplaire aux mélomanes.

Ce concerto apparait comme une œuvre très descriptive, inspirée par les sons et les images. Tout comme Baudelaire, faisant appel à tous les sens, la musique frappe ici par sa puissance imaginative. Rappelons que l'image a joué un rôle considérable dans l'œuvre de Saint-Saëns, puisqu'il a composé pour le théâtre mais aussi, dès 1908, pour le cinéma (pour le film L’Assassinat du duc de Guise), faisant de lui un pionnier en la matière : en sortant la musique de sa tour d'ivoire, le compositeur initiait une tendance promise à un brillant avenir.

D’inspiration « arabisante » dans certains de ses thèmes, le cinquième et dernier concerto pour piano de Saint-Saëns est esquissé à Louxor en 1895 avant d'être créé un an plus tard par l’auteur lors d’un concert qui célébrait le cinquantenaire du compositeur comme pianiste virtuose.

Dans le livret Decca, James Harding décrit ce son et lumière dans des termes qui lui sont propres :
« lumière de l'aube soudain aveuglante, coassement des grenouilles du Nil, chants qui s'élèvent des dahabiehs remontant les eaux bleues du fleuve ».
En termes musicaux, le finale où s'entend la pulsation des machines du navire ramenant le voyageur en France, s'ouvre par un rythme saccadé où le piano répond à l'orchestre par une descente vertigineuse aux accents orientaux. Le rythme, « d'abord appuyé, prend une grâce fluide et finit par se perdre en un plaintif pas de danse avant d'émerger à nouveau dans un sonore tutti » (Harding).

Jugez vous-mêmes....C'est Sviatoslav Richter (encore !) qui est au piano dans le denier mouvement (final) du concerto.

mardi 28 octobre 2008

" Il ne faut jouer que des œuvres dont on est amoureux " Sviatoslav RICHTER


Amoureux de son art, tel fut le cas de Richter que l'on se plut à surnommer le " pianiste du siècle ", le " géant " ou le " colosse " du clavier. Enfant, il apprend la musique avec son père organiste, pianiste et professeur au Conservatoire d'Odessa. Chopin fut son premier coup de cœur musical :
" C'est en entendant mon père jouer le Nocturne n° 5 que je fus frappé, ému et que je choisis la musique ".
En 1930, dès l'âge de 15 ans, il est engagé comme pianiste accompagnateur à l'Opéra d'Odessa. Passionné par le répertoire lyrique, ses dons pour déchiffrer à vue des partitions d'orchestre font alors sensation.


Sa vocation tardive de soliste s'amorce en 1937, lorsqu'il fréquente durant 7 ans au Conservatoire de Moscou la classe d'Heinrich Neuhaus, son " second père musical ". Il fait la connaissance de Rostropovitch et Prokifiev.
Le succès ne tarde pas : en 1945, Richter obtient le premier prix au Concours de Piano de l'URSS et s'élance sur le devant de la scène soviétique. Il reçoit le Prix Staline en 1949, puis le titre d'Artiste du Peuple en 1955.

Son premier récital américain au Carnegie Hall en 1960 est un véritable triomphe. Sa réputation de monstre sacré prend alors une dimension internationale.

En 1986, préférant les petites gens au gratin de la musique, RICHTER se lance dans un périple en Sibérie, jalonné par de nombreux concerts dans les villages les plus reculés, afin de servir la musique là où on l'attend le moins...

En 1997, à l'âge de 82 ans, cet humaniste épris de liberté s'est éteint dans sa datcha des environs de Moscou. Jusqu'à sa mort, il resta indifférent aux tentations du show business et refusa de devenir l'otage du clivage Est-Ouest
" Je me promène en toute liberté à travers la musique ".
Une promenade perpétuelle et infinie dans un répertoire immense, allant de Bach aux créateurs contemportains. Richter a en effet tout exploré, depuis l'intégrale du Clavier bien tempéré de Bach jusqu'aux Préludes et Fugues de Chostakovitch, en passant par la création des Sonates n° 6, 7 et 9 de Prokofiev.


Recherche de l'absolue perfection, sonorité d'une clarté étincelante, mémoire prodigieuse lui permettant de préparer dix à quinze programmes par saison, tels sont les qualificatifs permettant de définir le génie artistique de RICHTER. Mais c'est surtout son cœur, son instinct et sa profonde sincérité qui lui confèrent sa poignante vérité d'interprète.

Si le pianiste russe s'est particulièrement illustré dans la musique romantique (celle de Robert Schumann notamment), on lui doit de remarquables interprétations de Haydn, Prokofiev ou Beethoven....Écoutez (et regardez) plutôt !

Le voici ici dans la sonate pour piano n° 1 en fa mineur, opus 2 n° 1, de Ludwig van Beethoven. Dédiée à Joseph Haydn (qui avait été le professeur de Beethoven), cette sonate comporte quatre mouvements.

Source : http://www.radiofrance.fr/francemusique/bio/fiche.php?numero=5000118



dimanche 26 octobre 2008

Parlez-moi d'amour.....

Robert et Clara Schumann, Lettres d'amour

Comme le titre de ce recueil de lettres l'indique, il s'agit de lettres d'amour. Entre Clara et Robert...
Clara Wieck et Robert Schumann, couple romantique s'il en est.

Les deux jeunes gens semblent parfois correspondre au cliché du couple romantique par excellence, s'adonnant à des envolées lyriques :
« Il régnera chez nous une obscurité de rêve, il y aura des fleurs aux fenêtres, des murs bleu pale, des gravures, un piano à queue et là, nous nous aimerons unis dans une profonde fidélité».
Pourtant, si, sorties de son contexte, ces deux phrases de Robert Schumann semblent tirées d'un roman à l'eau de rose, on aurait tord de conclure à un récit ampoulé.

Loin d'être des envolées désincarnées, ces lettres établissent un véritable dialogue entre deux âmes qui se sont jurées fidélité, avant même que celle-ci ne soit officiellement scellée par les liens du mariage.
« Alors, assied-toi auprès de moi, mets tes bras autour de mon cou, laisse-moi plonger dans tes yeux et demeurons heureux dans le silence.
, avant de conclure :
« Dans le vaste monde deux êtres s'aiment. »
Dans leurs lettres, Clara et Robert font bien plus que communiquer, ils s'apostrophent, s'écoutent, se répondent. Car les lettres ne sont pas qu'un échange d'états âme. Les mots prennent corps. Le quotidien est raconté avec autant de minutie que les pensées les plus profondes. Par ces lettres, l'autre n'est pas seulement celui à qui ils s'adressent....il semble physiquement présent, comme ne cesse de le répéter Robert.

Cet amour n'est dénué ni de doutes, ni d'obstacles. Face à un père intransigeant qui refuse catégoriquement l'union, les deux jeunes gens trépignent d'impatience :
« Quand tu lui (Friedrich Wieck, père de Clara) reparleras de nous, parle-lui un peu serré pour qu'il ne trouve pas à nouveau des tas de prétextes à invoquer pour continuer à nous séparer »
écrit Robert.

Ce qui frappe à la lecture de cet échange épistolaire, c'est la grande simplicité qui s'y dégage, malgré les obstacles. Simplicité de ton, mais surtout simplicité dans la manière dont l'amour se dit.
« Tu demeures Robert et moi Clara. Tout le reste n'existe pas »
, écrit-elle. L'amour se dit comme une évidence, malgré les années et malgré l'absence.
« Quoi qu'il en soit je t'ai aimée depuis toujours et de tout mon coeur, d'une tendresse d'enfant, bien entendu »
écrit Robert pour sa part.

Enfin et surtout, ce dialogue est celui de deux musiciens, baignés chacun dans leur art, passion qu'ils partagent. Cet amour clamé haut et fort (ne signe-t-elle pas ses lettres « ta fidèle »?) se dit dans la musique. Elle lui raconte ses concerts, lui ses dernières compositions. Elle joue ce qu'il écrit. La musique n'est pas un moyen, mais une fin pour eux : c'est une éthique, un mode de vie. La musique est ce qu'il reste d'eux quand il n'y a plus rien d'autre.
« Je viens de bavarder avec toi au piano »
confie Clara. C'est dans la musique que leur amour a éclos et s'est développé. C'est par elle qu'il se maintient intact et vivant, ne laissant pas le temps faire son travail de sape.

Voici ici S. Richter et le Borodin Quartet dans dernier mouvement (Allegro ma non troppo) du Quintet pour piano, Op. 44, de Robert Schumann