mardi 28 octobre 2008

" Il ne faut jouer que des œuvres dont on est amoureux " Sviatoslav RICHTER


Amoureux de son art, tel fut le cas de Richter que l'on se plut à surnommer le " pianiste du siècle ", le " géant " ou le " colosse " du clavier. Enfant, il apprend la musique avec son père organiste, pianiste et professeur au Conservatoire d'Odessa. Chopin fut son premier coup de cœur musical :
" C'est en entendant mon père jouer le Nocturne n° 5 que je fus frappé, ému et que je choisis la musique ".
En 1930, dès l'âge de 15 ans, il est engagé comme pianiste accompagnateur à l'Opéra d'Odessa. Passionné par le répertoire lyrique, ses dons pour déchiffrer à vue des partitions d'orchestre font alors sensation.


Sa vocation tardive de soliste s'amorce en 1937, lorsqu'il fréquente durant 7 ans au Conservatoire de Moscou la classe d'Heinrich Neuhaus, son " second père musical ". Il fait la connaissance de Rostropovitch et Prokifiev.
Le succès ne tarde pas : en 1945, Richter obtient le premier prix au Concours de Piano de l'URSS et s'élance sur le devant de la scène soviétique. Il reçoit le Prix Staline en 1949, puis le titre d'Artiste du Peuple en 1955.

Son premier récital américain au Carnegie Hall en 1960 est un véritable triomphe. Sa réputation de monstre sacré prend alors une dimension internationale.

En 1986, préférant les petites gens au gratin de la musique, RICHTER se lance dans un périple en Sibérie, jalonné par de nombreux concerts dans les villages les plus reculés, afin de servir la musique là où on l'attend le moins...

En 1997, à l'âge de 82 ans, cet humaniste épris de liberté s'est éteint dans sa datcha des environs de Moscou. Jusqu'à sa mort, il resta indifférent aux tentations du show business et refusa de devenir l'otage du clivage Est-Ouest
" Je me promène en toute liberté à travers la musique ".
Une promenade perpétuelle et infinie dans un répertoire immense, allant de Bach aux créateurs contemportains. Richter a en effet tout exploré, depuis l'intégrale du Clavier bien tempéré de Bach jusqu'aux Préludes et Fugues de Chostakovitch, en passant par la création des Sonates n° 6, 7 et 9 de Prokofiev.


Recherche de l'absolue perfection, sonorité d'une clarté étincelante, mémoire prodigieuse lui permettant de préparer dix à quinze programmes par saison, tels sont les qualificatifs permettant de définir le génie artistique de RICHTER. Mais c'est surtout son cœur, son instinct et sa profonde sincérité qui lui confèrent sa poignante vérité d'interprète.

Si le pianiste russe s'est particulièrement illustré dans la musique romantique (celle de Robert Schumann notamment), on lui doit de remarquables interprétations de Haydn, Prokofiev ou Beethoven....Écoutez (et regardez) plutôt !

Le voici ici dans la sonate pour piano n° 1 en fa mineur, opus 2 n° 1, de Ludwig van Beethoven. Dédiée à Joseph Haydn (qui avait été le professeur de Beethoven), cette sonate comporte quatre mouvements.

Source : http://www.radiofrance.fr/francemusique/bio/fiche.php?numero=5000118



dimanche 26 octobre 2008

Parlez-moi d'amour.....

Robert et Clara Schumann, Lettres d'amour

Comme le titre de ce recueil de lettres l'indique, il s'agit de lettres d'amour. Entre Clara et Robert...
Clara Wieck et Robert Schumann, couple romantique s'il en est.

Les deux jeunes gens semblent parfois correspondre au cliché du couple romantique par excellence, s'adonnant à des envolées lyriques :
« Il régnera chez nous une obscurité de rêve, il y aura des fleurs aux fenêtres, des murs bleu pale, des gravures, un piano à queue et là, nous nous aimerons unis dans une profonde fidélité».
Pourtant, si, sorties de son contexte, ces deux phrases de Robert Schumann semblent tirées d'un roman à l'eau de rose, on aurait tord de conclure à un récit ampoulé.

Loin d'être des envolées désincarnées, ces lettres établissent un véritable dialogue entre deux âmes qui se sont jurées fidélité, avant même que celle-ci ne soit officiellement scellée par les liens du mariage.
« Alors, assied-toi auprès de moi, mets tes bras autour de mon cou, laisse-moi plonger dans tes yeux et demeurons heureux dans le silence.
, avant de conclure :
« Dans le vaste monde deux êtres s'aiment. »
Dans leurs lettres, Clara et Robert font bien plus que communiquer, ils s'apostrophent, s'écoutent, se répondent. Car les lettres ne sont pas qu'un échange d'états âme. Les mots prennent corps. Le quotidien est raconté avec autant de minutie que les pensées les plus profondes. Par ces lettres, l'autre n'est pas seulement celui à qui ils s'adressent....il semble physiquement présent, comme ne cesse de le répéter Robert.

Cet amour n'est dénué ni de doutes, ni d'obstacles. Face à un père intransigeant qui refuse catégoriquement l'union, les deux jeunes gens trépignent d'impatience :
« Quand tu lui (Friedrich Wieck, père de Clara) reparleras de nous, parle-lui un peu serré pour qu'il ne trouve pas à nouveau des tas de prétextes à invoquer pour continuer à nous séparer »
écrit Robert.

Ce qui frappe à la lecture de cet échange épistolaire, c'est la grande simplicité qui s'y dégage, malgré les obstacles. Simplicité de ton, mais surtout simplicité dans la manière dont l'amour se dit.
« Tu demeures Robert et moi Clara. Tout le reste n'existe pas »
, écrit-elle. L'amour se dit comme une évidence, malgré les années et malgré l'absence.
« Quoi qu'il en soit je t'ai aimée depuis toujours et de tout mon coeur, d'une tendresse d'enfant, bien entendu »
écrit Robert pour sa part.

Enfin et surtout, ce dialogue est celui de deux musiciens, baignés chacun dans leur art, passion qu'ils partagent. Cet amour clamé haut et fort (ne signe-t-elle pas ses lettres « ta fidèle »?) se dit dans la musique. Elle lui raconte ses concerts, lui ses dernières compositions. Elle joue ce qu'il écrit. La musique n'est pas un moyen, mais une fin pour eux : c'est une éthique, un mode de vie. La musique est ce qu'il reste d'eux quand il n'y a plus rien d'autre.
« Je viens de bavarder avec toi au piano »
confie Clara. C'est dans la musique que leur amour a éclos et s'est développé. C'est par elle qu'il se maintient intact et vivant, ne laissant pas le temps faire son travail de sape.

Voici ici S. Richter et le Borodin Quartet dans dernier mouvement (Allegro ma non troppo) du Quintet pour piano, Op. 44, de Robert Schumann