vendredi 18 décembre 2009

« Mon autoportrait, ce sont mes photographies », Willy Ronis


La disparition d’un artiste est généralement l’occasion de redécouvrir l’ensemble de son œuvre, au gré des rubriques nécrologiques. Dans le cas de Willy Ronis, je dois avouer qu’il s’agit pour moi d’une découverte, même si le photographe, qui s’est éteint en septembre dernier à l’âge de 99 ans, fait partie de ces artistes dont on connaît les photos sans pouvoir y mettre une signature.

« Ce jour-là » est un petit opuscule rassemblant de courts textes, retraçant l’histoire de 52 photographies sur plus d’un demi-siècle. Des anecdotes drôles côtoient des pensées plus profondes où l’auteur expose, avec une grande simplicité, sa conception de son art. Plusieurs fois, il raconte avoir imaginé des vies romanesques à ses personnages, découvrant plus tard une réalité bien moins exotique. C’est notamment le cas d’une photo intitulée « Belleville, 1957 » . Sur ce cliché, un homme d’une cinquantaine d’années tenant une valise est posté au bas d’un escalier, apparemment perdu dans ses pensées. Tandis que le photographe imagine l’histoire rocambolesque d’un retour au bercail après vingt ans d’absence, il apprend des années plus tard que le métier dudit individu était de fixer des pièces métalliques, pièces qu’il transportait dans cette fameuse valise…Nul retour du fils prodigue donc.

« Juste avant, il n’y avait rien, et juste après, il n’y a plus rien. Alors il faut toujours être prêt ».

Selon Willy Ronis, le talent du photographe est de capter ce qu’il nomme élégamment « la joie de l’imprévu », cet instant furtif et inattendu où tous les éléments d’une situation semblent sourire à qui sait observer et voir, derrière le chaos du réel, l’harmonie de l’ensemble. Parler d’harmonie n’est pas anodin car, pour ce fils de musiciens, les différents plans d’un cliché fonctionnent comme les lignes mélodiques d’un compositeur. Ce goût pour la construction se retrouve dans ses photographies, souvent composées de plusieurs plans, chacun d’entre eux complétant l’ensemble. Pensons à cette photo prise aux puces de la Porte de Vanves (1947) où une scène d’adultes (une transaction) surplombe l’exploration, par un enfant, d’un porte-monnaie (ci-dessus). A propos de l’analogie avec la composition, le photographe conclut ainsi :

" Moi qui suis un passionné de musique et qui voulais être compositeur, ça me rappelle exactement ce qu’on lit sur une partition, c’est à dire les différentes lignes mélodiques, superposées, avec les portées que l’on voit les unes au-dessus des autres : et, sur chaque portée, il y a toujours quelque chose de nouveau, d’inédit, qui se passe. C’est l’harmonie de l’ensemble qui compose le morceau. Et c’est ce qui donne tout son sens à l’image."


Ce jour-là, Willy Ronis, Traits et Portraits, Paris, 2006




1 commentaire:

Unknown a dit…

On goûte tes textes avec gourmandise!